Derrière le rideau (2) : Auditeurs, j’aimerais vous dire…

Il y a un mois, je vous soumettais un questionnaire (cliquez ici pour y accéder). Je vais me permettre ici un exercice peu courant : celui de vous livrer mes impressions et mes questionnements en retour à vos réponses. C’est habituellement ce qui se passe derrière le rideau, parmi les membres de l’équipe de production autour d’un artiste. Mais je n’ai pas d’équipe ni de confident. Et surtout, je crois profondément qu’un changement est en train de s’opérer dans le rapport entre public et artistes, comme à une échelle plus large, entre citoyens et politique.
Je vous considère comme des collaborateurs, non pas à mon succès, mais à la vie de mes textes, qui doivent apprendre à vivre sans moi. Qu’est-ce que je cherche ? À vous éclairer, vous secouer, vous émouvoir ? À mettre les points sur les i, à envoyer un signal de détresse ou à quémander ? Rien de tout ça, et un peu de tout ça peut-être. Je vous laisse juges. Cette confidence appelle les vôtres, alors n’hésitez pas à m’écrire pour me donner vos impressions et vos avis en cliquant ici. Nous travaillons ensemble. Cet exercice constituera un dossier en trois parties qui répondront chacune à chacune de mes activités :  l’écriture  (articles et livres), la réalisation, (portraits sonores) et la scène (veillées et spectacles). 

II. ENREGISTRER

Les portraits sonores

63% sont prêts à payer pour une œuvre sonore
37% ne souhaitent pas payer une œuvre sonore

plus de 50% ont écouté des extraits sur le site

33% n’ont pas acheté et aimeraient bien

Chaque page de portrait sonore a été vue entre 1000 et 4000 fois. Pour chacune de ces pages, j’ai fait environ 2 ventes.

Un portrait, c’est :

  • 1300 euros de matériel pour avoir un bon son
  • des déplacements en Normandie, Picardie, Ariège, Suisse Vercors ou Paris, passer plusieurs jours avec la personne.
  • achat d’un logiciel de son, de disques durs pour stocker les fichiers
  • 1 mois de travail à temps plein pour faire le montage
  • des frais pour payer un ingénieur du son pour le mixage final

Dans le questionnaire, une personne a répondu : « Vous oubliez que je paye une redevance pour écouter la radio. La question n’est pas le prix mais le canal de diffusion. » En effet. Le problème est que les modes de diffusion changent car les canaux traditionnels ne font pas de place aux nouvelles productions. Les radios associatives ne payent pas les œuvres, on ne touche que des droits de diffusion. Les radios privées ne s’intéressent pas à ce genre de projet. Reste Radio France, que je contacte depuis trois ans par tous les bouts, qui ne répond pas, qui ne prend pas d’œuvres toutes faites, qui prend une idée et ensuite envoie les techniciens réaliser dans leurs contraintes de temps. Les producteurs sont inaccessibles, et ils doivent faire tourner les journalistes qu’ils ont déjà.

Les cinémas sonores

Depuis trois ans, c’est près de 200 veillées durant lesquelles j’ai fait écouter ces portraits, des Pyrénées aux Alpes, de la Camargue à la Baie de Somme, pour susciter des discussions sur d’autres mondes possibles. J’ai connu des annulations de dernière minute, des cafés associatifs qui avaient oublié la soirée, des chapeaux à 40 euros pour 40 personnes présentes, des gens qui mettaient 10 centimes dans le chapeau, et beaucoup qui ne mettaient pas. J’ai connu des passeurs de veillées extraordinaires qui organisaient, m’accueillaient, et devaient compléter pour arriver aux 150 euros minimum demandés, qui me permettent à peine de couvrir mes frais. 

Une tournée, c’est 2 mois de préparation à appeler, rappeler, re-rappeler, caler des dates, les recaler, les re-décaler. Tracer les itinéraires, répéter les parties spectacle… Pendant ces deux mois, pas question d’écrire. 

Partout, j’ai vu des lumières dans les yeux de ceux qui écoutaient, des larmes, des colères enfin s’exprimer. Pendant les écoutes, je regarde ceux qui écoutent. Et je me dis « ça marche », je suis au bon endroit, ça les remue. Des enfants parlent à leurs parents comme jamais, des collègues entre eux, des amis, des voisins. J’ai souvent les listes d’infolettre pleines. Les soirées se poursuivent jusque tard dans la nuit, et finissent en confidences dans la cuisine. Pourtant, personne ne propose de renouveler l’expérience. Ni, comme je le souhaite si fort, d’organiser sans moi ces moments d’écoute. Un marionnettiste m’a dit un jour : « Il y a un besoin, mais il n’y a pas de demande ».

 

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