Los hermanos – J’ai tant et tant de frères qui pourrait les compter

« Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar
En el valle en la montana en la pampa en el mar
En en valle en la montana en la pampa en el mar
Cada cual con sus trabajos con sus suenos cada cual »

J’ai tant et tant de frères
Qui pourrait les compter
Dans les ports dans les terres
Près des sommets dans les cités
Chacun avec ses rêves et chacun son métier

Atahualpa… c’est un nom qui résonne en Amérique latine et surtout en Argentine, comme Bob Dylan ou Pete Seeger en Amérique du nord. Difficile de trouver équivalent chez nous. Car nos grands à nous ont fini par rejoindre la capitale, ils ont mûri dans le petit monde parisien. Mais les chansonniers comme Pete Seeger ou Violetta Parra ou Atahualpa Yupanqui, ce sont des chansonniers avec de la terre à leurs godasses. Ils ont parcouru les campagnes de leurs immenses pays. Ils ont joué sur les porches de maisons des fermiers, devant les tavernes, à l’arrière des bus qui les emmenaient. Et ils ont ramassé dans leurs guitares les histoires et les sons de ces pays, ce qu’on appelle le folk,  d’où sont nés le country, le blues, le folk, le ranchero, la milonga, et bien d’autres genres. Ils en ont fait des musiques et des textes qui parlent des oubliés et à travers eux de l’humanité toute entière.

Atahualpa, c’est un de ces géants crottés que le XXème siècle a enfanté, qui parlait à sa guitare comme on parle à son âme. Quand je l’ai rencontré, je peux dire que j’y ai reconnu un frère. Beaucoup croient qu’on chante des chansons pour exprimer ce qu’on ressent. En fait,« On raconte ce qu’on rate », disait Brel, mon premier phare dans la chanson.

Au creux des mains une chaleur celle de l’amitié
Un sanglot pour bien pleurer
Un silence pour bien prier

Los hermanos, ce n’est pas le youpi j’ai plein de frères ! de quelqu’un qui a des amis partout. C’est une célébration en forme de cri, c’est un hommage et une prière, c’est ce qu’on prend le temps de le dire parce qu’on ne peut plus le vivre. C’est l’hommage que rend le voyageur à tous ceux qu’il rencontre, dans les ports, les plaines, près des sommets et dans les cités. Ceux qu’il porte en lui et que, les soirs où la solitude s’appuie un peu plus sur lui, il convoque, pendant que eux, dans leurs chaumières, sont bien trop occupés à vivre pour penser à lui.

Et nous voilà arpentant
Des champs de solitude
Un couplet entre les dents
Semence d’immensité

C’est aussi la conscience de partager un même destin avec des êtres qu’on ne voit pas. D’être un morceau de la même conscience, d’être les quêteurs d’un même horizon. Et c’est aussi, quand je la chante, une manière de dire que ces auteurs de différentes langues et genres musicaux, font pourtant partie de la même famille.

Un horizon ouvert
À chaque fois plus loin
Mais cette force pour le marcher
La tête haute les poings serrés
Quand on croit le toucher
C’est que déjà il s’est tourné

Ces mots qui n’étaient accessibles qu’aux hispanophones, j’ai voulu – j’ai osé – les traduire. Traduire, sans trahir et sans imiter. Suivre un fil, creuser le sens, l’intention, et le retrouver par un autre chemin que seule permet l’autre langue. Je l’ai fait encore avec Piedra y Camino, Guitarra dimelotu et j’espère pouvoir creuser encore.

J’ai tant et tant de frères
Que je ne peux les compter
Et une petite sœur très belle
Qu’on appelle Liberté

Cette chanson est dans l’album « D’une rive à l’autre » de Sarah Roubato, disponible sur iTunes Spotify et ici 

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