Le lavabo (par Ena Luis)

« Dans la loge de l’artiste » donne aussi la parole à d’autres artistes. Ena Luis est auteur compositeur interprète multilingue dont les chansons s’inspirent de la pop, la soul, l’électro, la musique brésilienne ou latine. À son tour elle nous tire le rideau et nous fait voir sa loge.

Avoir une loge? Il semblerait que ce soit devenu un luxe. Ou alors, “loge” est devenu synonyme de “toilettes” dans la nuit et on ne me l’a pas dit. On veut bien faire, il faut soigner son apparence, mais comment peut-on tracer ce fichu trait d’eyeliner debout, plié en deux pour éviter le lavabo de soixante-dix centimètres pour n’arriver qu’à vingt centimètres du miroir éclairé d’une lumière tout juste bonne à éclairer la mouche juste en-dessous ? Et on se fait rouspéter parce qu’on monopolise les WC! 

Puis vient le moment où on voudrait manger. « Désolée mais on doit servir les clients avant ! » La logique est implacable: je viens travailler chez vous, je vous enchante en ne prenant que 1 mètre carré d’espace ; votre banane accrochée à la ceinture est de plus en plus lourde à mesure que vous ramassez les pourboires. Pas question de réclamer à manger.

Et je ferais bien de baisser le volume ! Après tout c’est moi qui vous ai démarché, que diantre ! Qui vous ai pratiquement supplié de m’engager pour la moitié du salaire que j’envisageais, pour le triple du temps que je proposais… pour ce moment plein de grâce où je reçois l’enveloppe que je n’ose pas recompter devant vous et réceptionne en pleine poire le « C’était très bien hein merci! »

Mais heureusement, il y a tout le reste… quand un enfant te ramène un dessin du concert et veut ton album dédicacé, que ses parents sont aux anges. Alors les souvenirs des spaghetti bolognaise aqueuses et insipides, de tes câbles qui se font marcher dessus sans pitié, le stress du retard que tu croyais avoir mais où au final tu as attendu des heures avant de pouvoir savoir où installer ton matériel, tout cela s’évanouit. Enfin… presque. Je rentre chez moi, avec 5000 euros de matériel dans le coffre, 50 euros dans une enveloppe et le dessin d’un enfant.

Pour en savoir plus sur Ena Luis : www.enaluis.com

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