Le panneau en liège

Il se passe que le temps ne passe plus. Que vos murs sont trop blancs et que depuis cinq ans je dors dans des draps qui ne sentent toujours pas chez moi.  C’est tout ce qu’il restera de notre passage ici : des trous dans un panneau en liège. 

La santé d’une société se mesure à la place qu’elle donne à ses enfants et à ses anciens. Nous voici là où beaucoup de nos parents et grands-parents finissent, dans nos maisons de retraite, EHPAD ou Home. Comment faire entendre le silence ? Comment faire sentir le temps qui ne passe plus ? Comment faire comprendre que ce ne sont pas seulement les corps qui ici s’éteignent ? 

Pendant le montage, un petit miracle a lieu. Il y en a eu beaucoup d’autres dans cette création, mais j’ai gardé celui-ci pour la fin. Ci-dessous le message que j’envoie une nuit à la productrice. 

« Pascaaaaale ! (j’écris ce message à minuit passé mais je vais te l’envoyer demain) Tu sais ces petits miracles qui arrivent dans le montage… il m’en arrive un magnifique !!!!! Je trouve ENFIN le piano de « Le panneau en liège » (la maison de retraite). J’en étais arrivée à me dire que j’allais devoir enregistrer mon vieux piano en montagne, ou bien enregistrer mon piano électrique et essayer de trouver un traitement qui le rende vieux… Je pense alors à ce que je vais bien pouvoir jouer. Je pense tout de suite à « Les enfants qui s’aiment » de Kosma, en instrumentale, magnifique. J’ai la partition, mais il va falloir la retravailler… j’en ai au moins pour deux semaines tous les jours. Puis ce soir en nettoyant les voix, je me dis : « Tiens je vais regarder, peut-être que ça existe une version instrumentale, mais ça m’étonnerait. » 

Et bien non seulement elle existe, mais en plus sur un vieux piano ! Pas merveilleusement jouée, pas de nuances, mais assez pour faire le parfait piano de la maison de retraite. Je la glisse « comme ça » dans ma session et je continue le travail sur la voix, en me disant que j’espère que la musique sera assez longue, parce que ce sera galère de la rallonger. Ce serait bien si elle s’arrêtait à peu près au moment où le personnage de « Mister » meurt dans la chambre à côté. 

Je finis la voix. Je vais voir à la fin de la piste… non ???! Si !!!! Les derniers accords arrivent EXACTEMENT quand la voix dit que Mister est parti. Non mais tu le crois ? J’adore ces petits miracles ! Et là Sarah danse toute seule chez elle dans les montagnes en se disant que c’est trop génial… et vite vite j’enregistre et je sauvegarde ! À demain ! »

Musique : « Les enfants qui s’aiment », Joseph Kosma, interprété par Henri Pelissier